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La grenouille et le changement

Une fable pour les temps actuels, qui parle de moi, de vous peut-être, de nous tous, dirigeants ou pas, face à l’urgence des changements. 

La grenouille a été délicatement plongée dans l’eau froide. Elle pourrait sauter pour s’échapper, mais elle ne le fait pas. Elle se sent plutôt bien dans ce milieu, même si l’espace autour d’elle paraît limité. Le feu est maintenant allumé sous la casserole, très doux. La grenouille est immobile, calme, insouciante. Mais voilà que peu à peu, la température de l’eau s’élève. Oh ! rien de spectaculaire, juste un tout petit peu plus chaud, de façon presque imperceptible.

Notre grenouille commence maintenant à le sentir, mais elle ne bouge toujours pas.

« Après tout, on s’y fait », se dit-elle. Et de poursuivre ses activités et habitudes, car finalement… en y réfléchissant bien…« Jusqu’ici tout ne va pas trop mal (pour moi) »

Pourtant la température continue de s’élever, tout doucement, dixième de degré après dixième de degré.

D’ailleurs notre grenouille a maintenant cessé d’être immobile. Elle commence à bouger lentement, étirant une à une ses pattes engourdies par la température de cette eau devenue tiède. Il faut dire que le milieu devient de plus en plus inconfortable.

Prenant enfin conscience du danger qui la guette ainsi que ses congénères, elle se dit qu’il est temps de faire quelque chose. Elle en conçoit même une grande ambition : notre grenouille veut être actrice du changement.

Forte de cette résolution, la voilà qui explore une première option : sauter hors de la casserole tant qu’il est encore temps, et inciter toutes les autres grenouilles à faire de même.

Après tout, puisque le milieu devient inhospitalier, le plus simple est d’en changer.

C’est ce qu’elle décide de faire, entraînant quelques congénères téméraires à sa suite.

Ayant réussi à sauter par-dessus bord, voici nos grenouilles qui atterrissent dans un nouveau milieu, inconnu. La première sensation est plutôt plaisante et rassurante. L’eau semble plus fraîche à cet endroit. Nos grenouilles retrouvent rapidement de l’énergie. Après tout, ce n’était pas si grave, se disent-elles. Elles décident de reprendre leurs activités quotidiennes, mais aussi de partager leur expérience avec d’autres grenouilles, afin de les inciter à faire de même.

Elles rencontrent très vite une audience, car leur aventure interpelle. Pourtant, quelque temps plus tard, nos grenouilles ressentent à nouveau une certaine modification de leur milieu. La température de l’eau semble s’être de nouveau élevée, entraînant les mêmes effets délétères sur l’énergie et le moral des habitantes du lieu. Qu’à cela ne tienne, nos grenouilles ont désormais la solution. Le lendemain, elles entreprennent de sauter hors de la deuxième casserole, à la recherche d’un nouveau milieu plus hospitalier.

Malheureusement, le troisième se révèle tout aussi inconfor­table. Sans se décourager, nos grenouilles repartent à l’aventure, et tentent une quatrième casserole : même désillusion !

Bien que l’énergie commence à manquer, les batraciens ne perdent pas espoir et tentent encore un cinquième, puis un sixième récipient… Rien à faire !

L’eau fraîche semble bel et bien avoir disparu. Comment est-ce possible ?

Se demandent nos grenouilles, décontenancées et de plus en plus anxieuses de leur sort.

Mais le temps n’est pas à la réflexion. Il faut agir !

La grenouille qui voulait être actrice du changement a une nouvelle idée. Et de l’expliquer derechef à ses congénères : « Puisqu’il n’y a plus d’eau fraîche nulle part, je ne vois qu’une seule solution : parvenir à éteindre le feu sous notre casserole. Je vais donc utiliser l’énergie qu’il me reste pour sauter, puis je trouverai le feu et je soufflerai dessus de toutes mes forces. » Ses compagnes applaudissent à cette initiative altruiste.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Notre grenouille volontaire saute hors du bocal, localise la source de l’échauffement et souffle à plein gosier. Miracle ! La flamme vacille, puis s’éteint… Très fière, la voilà qui replonge dans le milieu déjà tiède et s’empresse d’annoncer sa prouesse à ses congénères reconnaissants et soulagés.

L’énergie revient vite chez les grenouilles, qui décident de reprendre leurs activités et habitudes quotidiennes, tout en partageant cette expérience avec les résidentes des autres casseroles. Comme vous pouvez l’imaginer, les coassements vont bon train.

Pourtant, quelque temps plus tard, voilà que nos grenouilles ressentent de nouveau le picotement de l’eau tiède et les signes avant-coureurs qui ne trompent pas. Pas de doute, la température de l’eau est de nouveau en train de monter d’une façon cette fois très inquiétante.

Réunies pour en débattre, elles arrivent vite à la seule conclusion qui s’impose : quelqu’un a rallumé le feu sous leur casserole !

Mais pour quelle raison ? Nos grenouilles sont perplexes.

Une fois de plus, l’urgence requiert d’agir plutôt que de réfléchir. Notre grenouille actrice du changement ne se décourage pas. La voilà qui saute par-dessus bord, rassemble toute l’énergie qui lui reste et, dans un souffle puissant, éteint à nouveau le feu sous la casserole.

S’apprêtant à replonger dans son milieu, elle jette toutefois un regard aux alentours. Et ce qu’elle voit la fige instantanément :

A perte de vue des casseroles, et autour d’elles, un ballet incessant de grenouilles sautant pour éteindre le feu, lequel semble se rallumer inexorablement

Sous le choc, notre grenouille trouve pourtant encore l’énergie de replonger dans son bocal où elle retrouve ses compagnes. Elle entreprend immédiatement de les réunir pour leur conter ce qu’elle vient de voir. Les grenouilles écoutent en silence, plus inquiètes que jamais. L’une d’elles intervient : « Si ce ne sont pas nos voisines qui viennent rallumer le feu sous notre casserole, alors qui sont les responsables ? » Une autre se risque à une hypothèse : « Serait-ce le dieu des grenouilles qui veut nous punir ? » Que n’a-t-elle pas dit ! Toutes les habitantes lui tombent dessus dans un concert de coassements indescriptible. Il faut dire que la modernité est passée par là, les batraciens ne croient plus en une patte invisible. « Il doit y avoir une autre raison », dit une troisième.

Soudain, une frêle grenouille, que l’on n’avait pas encore entendue, prend la parole. C’est la plus ancienne du milieu, et surtout, la plus sage et la plus réfléchie. Elle peine à s’exprimer. L’énergie lui manque tellement, dans cette eau décidément trop chaude.

Et si nous étions nous-mêmes responsables de ce qui nous arrive ?

Et si, d’une façon que nous devons découvrir, nous alimentions nous-mêmes sans en avoir conscience, ce feu mortel sous notre casserole ?

Un silence de mort s’installe. Plus aucune habitante ne bouge. Elles se regardent, avec cette sensation qu’un espace nouveau vient de s’ouvrir.

Et soudain, elles perçoivent.

Elles perçoivent cette vérité que leurs consciences limitées, leurs habitudes et leurs projections les avaient jusqu’à présent empêchées de voir : la solution au danger mortel qui les guette ne réside ni dans l’action répétée d’éteindre le feu, ni dans l’accusation des autres grenouilles.

Elles sont, elles-mêmes, la solution

Dans un premier temps, elles devront commencer par comprendre comment elles contribuent encore aujourd’hui à attiser les flammes, sans jamais pourtant en avoir l’intention. Fortes de cette compréhension, elles entreprendront dans un second temps de modifier leurs comportements, et peut-être même certaines de leurs activités.

« Chacune d’entre nous devra commencer par elle-même, surenchérit notre grenouille sage. Car si nous contribuons collectivement à créer ce qu’individuellement nous ne voulons pas, nous devrons commencer par explorer la façon dont chacune d’entre nous se fait complice de ce paradoxe.

Pour cela, nous devrons entreprendre de mieux nous connaître et de mieux nous comprendre. Je ne vois pas d’autre solution. Et puisqu’après tout, notre milieu n’est que le fruit de nos relations et de celles que nous entretenons avec lui, je suggère que c’est par là que nous devrons commencer. »

Ainsi se termine cette fable, extraite de mon premier essai : « Levons-nous. Être dirigeant au XXIème siècle ».

Un livre pour réfléchir.

Un livre qui nous invite à être, agir et diriger autrement, au service d’un monde plus juste et plus durable, mais aussi d’une vie plus joyeuse.

Un livre pour « se lever »

Un livre destiné aux dirigeants d’entreprises, mais pas que…

Voici le lien pour le découvrir…, et si vous en ressentez l’élan,  le commander.

Antoine BARON